Maldives : atolls sud17 mn de lecture

Récit de deux semaines de navigation et de plongée sous-marine à travers les atolls du sud des Maldives. Magique! 

Sommaire

Eloge des fusées

Commençons par un constat : c’est beau mais c’est loin les Maldives!

Heureusement, au XXIème siècle, comme l’annonçaient déjà mes lectures enfantines, on bénéficie aujourd’hui de merveilleuses fusées bariolées. Qui nous permettent de quitter la grisâtre A104…

Et de s’en aller un temps dans les étoiles, pour six heures de mauvais sommeil, sanglé dans un fauteuil étroit parmi les rangées de passagers hypnotisés par leurs écrans individuels, avant de faire une courte escale sur une planète intermédiaire.

De là, nouvelle trajectoire pour cinq heures de navigation interstellaire et nous voici enfin à destination, de l’autre côté d’une nuit qui n’en est plus une depuis longtemps, toutes les horloges décalées – internes comme externes.

Dans le hall, le préposé de Seafari me confie qu’il attend encore d’autres plongeurs. Vaguement déboussolé, je sors donc fumer une cigarette sur un quai où vont et viennent des dizaines de taxi-bateaux sur l’eau turquoise. A l’horizon, la skyline embrumée de gaz d’échappement de Malé flotte sur son banc de corail.

Deux heures plus tard, le petit groupe semble au complet. On prend un taxi extra-terrestre.

Pour contourner l’astroport.

Puis on emprunte une barge anti-gravitation pour rejoindre le vaisseau.

Une fois à bord : retrouvailles avec François, arrivé depuis le matin – collègue de travail et comparse-grenouille depuis Marine Parks. Et déjà la nuit tombe dans la chaleur tropicale de cet autre monde. Vivent les fusées!

Check dive

Autrement dit : plongée de reprise. L’occasion de vérifier son lest, de renouer avec le matériel, de découvrir les partenaires de la palanquée, etc.

Avant de découvrir le bateau plus en détail, effectuons donc ensemble cette première plongée matutinale. A 7 heures locales – c’est à dire, physiologiquement, à 3 heures du matin à Paris : tous à l’eau.

On descend donc sur le Dhoni – second bateau de plongée en annexe, j’y reviendrai.

La palanquée se compose de Cat, d’Alexandra, d’Anne et Denis, guidés par Mélanie. A qui s’ajoutent François et ton serviteur.

Je te présenterai ce sympathique petit monde un peu plus tard. Pour l’instant, plongeons. Plouf.

Re formation du binôme déjà largement éprouvé cet été avec François.

D’ordinaire, les plongées de reprise sont un peu ternes. Ici, en revanche, ce que l’on croise sous l’eau augure à merveille du reste à venir.

Nuages de balistes bleues.

En voici une vue de plus près :

Gorgones photogéniques.

Etoiles charnues qui font penser à des personnages en pâte à sel – ou à quelque doudou enfantin tombé d’un bateau et coulé jusqu’ici.

Premiers clowns maldiviens.

Prometteur, non?

A la remontée sur le bateau principal, nous prenons notre premier petit-déjeuner sur le pont arrière et nous faisons connaissance tandis que nous quittons Malé.

Plein Sud.

Le(s) bateau(x)

Au pluriel car il y en a deux. Le premier nous sert d’hôtel. Nom de baptême : Explorer. Tout un programme.

photo Cat Torres

Le second s’appelle le Nice Weather : mais nous l’appelons plus communément le dhoni – nom maldivien pour… bateau. C’est notre embarcation de plongée.

photo Cat Torres

L’Explorer.

On y arrive par un pont inférieur qui sert le plus souvent aux marins à approvisionner le buffet en poisson frais, pêché à la ligne quand nous sommes à l’ancre.

Ou bien capturé à la traîne avec ce drôle de bouchon, pendant que nous naviguons.

Du pont inférieur, on monte sur le pont principal qui donne sur le carré arrière : on y prend les repas, on y discute, on y contemple – comme ici Jozef – le soleil couchant.

De ce pont, deux options : soit longer les coursives…

Et s’allonger à la proue, bercé par la houle – j’aime bien.

Soit entrer dans le salon climatisé, au décor boisé.

Pourvu de canapés confortables qui invitent à la sieste.

On y fait les briefings avant chaque plongée.

On s’y retrouve au bar le soir.

Si l’on emprunte la coursive intérieure…

On longe la cambuse et son excellent chef, d’une gentillesse toute maldivienne.

Au bout, on parvient à l’escalier qui descend sous le pont principal et permet d’accéder à quelques cabines, dont la nôtre.

C’est la 2. Entrons.

François s’y adonne à son activité favorite entre deux plongées : chut! Ne le réveillons pas…

Et jetons un oeil à la salle de bain. Bon. Cette perpective n’est pas la plus charmante.

De toute façon, la baignoire ne nous sert qu’à rincer le petit matériel qu’on fait ensuite sécher sur le bureau.

Pour se laver, on préfère la douche.

Remontons. Au-dessus du pont principal, un deuxième pont. S’y trouve le coin des rares fumeurs – hormis l’équipage, deux, moi compris. On se rejoint donc régulièrement là avec un café. On y regarde les îles qui défilent pendant la navigation.

De cet endroit, on peut encore monter, à l’échelle, pour accéder au troisième pont et son sun-deck, pourvu d’un jacuzzi que nous n’utiliserons pas.

Sur ce pont sont installés des transats où quelques plongeurs aiment en journée à griller au soleil brûlant. Pour ma part, j’ai préféré – et de loin – m’y allonger la nuit pour, lumières éteintes, y contempler le ciel étoilé et la voie lactée. Redescendons d’un étage.

Du coin fumeur, on peut trier ses photos, prendre quelques notes…

Ou, plus prosaïquement, méditer devant la lessive qui sèche.

On peut aussi emprunter une coursive identique à celle du pont principal, au bout de laquelle, passée la cabine de pilotage, on accède à un autre salon de jardin. Souvent exposé au vent et aux embruns pendant la navigation mais paisible quand on est à l’ancre.

Le Dhoni

Notre bateau uniquement consacré à la plongée. Moins ludique que le zodiac égyptien, mais parfait pour s’équiper et se jeter à l’eau.

On y accède depuis l’Explorer par une échelle de coupée.

On y retrouve les blocs alignés de part et d’autres de portes sans porte par lesquelles on se lance une fois prêts.

Avant cela, toutefois, on s’équipe.

Tout à la joie d’enfiler les combinaisons humides qui n’ont pas le temps de sécher entre les plongées. On vérifie de n’avoir rien oublié…

Le capitaine nous amène sur les spots de largage.

Sur quoi, les moniteurs inspectent le courant – entrant, sortant, fort ou faible.

Et on saute dans le bleu.

Particularités de la plongée maldivienne

Au nombre de deux : les passes et le courant qui va avec. Aux Maldives, on plonge en effet quasi exclusivement dans les passes, ces ouvertures des atolls sur l’océan  – ce qui nous vaudra, évidemment, de ricaner grassement de ces vacances consacrées à faire trois passes par jour… Je sais. C’est très fin. Bref.

Les passes

L’image se suffit à elle-même : la passe forme un couloir entre les murs récifaux, lequel couloir débouche sur l’océan. Le bord ouvert de la passe se brise en marches successives, ici, à 30, 35 et 40 mètres, plongeant ensuite à des profondeurs inaccessibles. Ces marches forment des sortent de belvédères qui permettent d’admirer le passage des prédateurs : requins, thons, carangues, etc.

Le courant

Selon le flux et le reflux, le courant omniprésent peut-être « entrant » – ce qui est idéal pour l’observation des requins – ou bien « sortant », ce qui trouble considérablement la visibilité mais permet par ailleurs d’observer des raies manta.

Courant entrant :

Courant sortant :

De la force du courant entrant

Lorsque l’océan pénètre dans l’atoll par le couloir de la passe, le courant peut-être incroyablement fort. On commence donc les plongées par se laisser couler jusqu’au rebord de la passe, entre 25 et 30 mètres.

Là, on se fixe au corail avec des crochets. On gonfle le gilet et on profite de la vue.

photo Cat Torres

Parfois, le courant est si fort qu’il fait vibrer le masque. On notera  par exemple ci-dessous l’horizontalité des bulles qui en dit long sur le jus, de même que la coupe de cheveux de l’auteur, furieusement eighties…

On est récompensé par le passage inlassable des requins, en quantité fascinante, si élégants dans leur élément.

Une dernière chose à propos du courant. Lorsqu’il est fort et qu’on décroche, il nous emporte, fétus flottants. Le récif défile à vive allure et on file en apesanteur comme des astronautes en perdition. C’est une sensation de glisse absolument extraordinaire! Qui finit en général dans l’atoll, sur des plages de sable blanc où le flot ralentit tout en continuant de nous faire dériver dans un fantastique rêve de vol.

photo Cat Torres

J’adore, absolument!

Melanie's team

J’ai déjà présenté rapidement la palanquée brillamment guidée par Mélanie, également directrice de plongée à bord. Détaillons les portraits, en surface et sous l’eau, en commençant bien entendu par Mélanie elle-même. Elle l’a bien mérité.

François ensuite, qu’on connaît déjà :

photo Cat Torres

A ma droite sur le banc du dhoni : Cat, qui m’a gentiment prêté les clichés qui portent sa signature.

Ensuite, toujours dans l’ordre du banc, Alexandra, benjamine du groupe.

photo Cat Torres

A la droite d’Alexandra, Anne : qui a tellement ri sous l’eau de mes clowneries que j’ai cru une fois qu’elle allait se noyer dans ses propres bulles.

Et Denis, enfin, dont je m’aperçois que je n’ai pas de portrait sous-marin, hormis celui que je mets ici, où il figure en compagnie d’Anne, dans une pose christique – involontaire 😉 ?

Super groupe. Ce qui ne signifie pas que nous n’ayons pas échangé ou sympathisé avec d’autres plongeurs parmi les 22 qui constituaient les passagers – notamment avec Jozef, Dominique et Alain, trois palois bien sympathiques – mais trois plongées par jour ensemble ont forgé des liens supplémentaires et permis quelques belles rigolades.

Le reste des passagers :

Manquent sur la photo un couple de zurichois et une jeune fille de Hong-Kong, tous trois partis la veille. Cat et Alexandra également, qui prenaient un vol intérieur plus tardif.

Dans l'aquarium

Avant d’aller voir du côté des requins, que tout le monde attend avec impatience, forcément, cultivons le suspense et attardons-nous un instant sur les principales variétés colorées croisées sous l’eau, vertébrées ou non.

Anémones et clowns

Si photogéniques. Cachés parmi les tentacules venimeux des anémones, contre lesquels ils sont naturellement protégés et qui les abritent en retour des prédateurs.

On rencontre le clown endémique des Maldives, déjà croisé en début d’article.

Mais aussi le clown à queue jaune, ici sur une anémone de Clark.

Ou comme ici, ce tandem caché dans une actinie vésiculeuse.

Ainsi qu’un juvénile, qui me semblait même être celui du couple ci-dessus, par anthropomorphisme – parce que la notion de couple est un peu plus complexe chez les clowns que chez les homo sapiens. Quoique parfois, chez les homo sapiens… Ne nous égarons pas.

C’est Nemo, bien sûr – comme le personnage éponyme du dessin animé.

Admirons au passage les anémones. D’un sublime bleu outremer sans éclairage.

Et qui virent au mauve guimauve sous la lampe. On en mangerait.

Autres espèces colorées

Bien entendu, on voit aussi tous les poissons qu’on croise en Mer Rouge : soldats rouges à l’oeil rond, écureuils, papillons jaunes, rascasses à rayons, à antennes ou simplement volantes, anges et cochers, vivaneaux-pagaie, lutjans, bancs de platax, j’en oublie. Mais ici dans une proportion incroyable : les récifs grouillent littéralement de vie. Difficile de choisir parmi les espèces. Gardons les photos les plus réussies :

Celle par exemple de ce chirurgien bleu, aux scalpels aiguisés près de la queue, auxquels il doit son nom vernaculaire.

Ou bien celle de ce joli duo de papillons à très long bec,

Ou bien encore ce groupe de cochers dont les couleurs complémentaires du bleu forment un contraste idéal.

Sans oublier ce poisson-scorpion, avec son collier de barbe rouge qui m’a fait penser, va t’en savoir pourquoi, à un nain de conte irlandais.

Parmi les espèces croisées, certaines sont tout de même plus remarquables que d’autres.

Tel ce baliste-clown, qu’on dirait de bois peint.

Ou les poissons-ballons : l’étoilé…

Et son cousin à tâches noires aux faux airs de chihuahua.

On rencontre aussi le diagramme oriental, en maillot de joueur de rugby, qui passait ici avec quelques congénères au milieu d’un banc de papillons à collier blanc.

Et puis des langoustes…

Et des tortues.

Les murènes

J’adore les murènes. Je ne saurais dire pourquoi. Chez les non-plongeurs, elles sont le plus souvent victimes d’un délit de faciès, à cause sans doute de leur corps serpentin et de leur gueule indentée, qu’elles n’ouvrent que pour respirer. Je les trouve éminemment sympathiques : curieuses, craintives. Sauf la murène masquée – cette bougresse agressive, mais après tout : elle est chez elle, qu’on lui foute la paix. Toutes sont prodigieusement élégantes. Telle cette belle javanaise qui vient voir ce qui se passe à la fenêtre de son trou.

Ou cette petite murène léopard qui fait des mines.

Et que dire de cette murène panthère, diva des rochers?

Outre les qualités précitées, la murène est de plus extrêmement tolérante. La preuve : voici une panthère acoquinée à une javanaise. Mariage pour tous.

Pour finir, ma préférée, une murène à tâches noires, si expressive.

Cabinet de curiosité

Dans l’aquarium, on croise également de drôles de créatures.

Des crevettes boxeurs, par exemple, aux gants-mandibules énormes, d’où leur surnom.

Ce corail lacrymalis, beau comme une broche émaillée de la fin du XIXème siècle.

Une crevette queue de paon, fascinante.

Un spondyle, prêt pour Halloween…

Une étoile à nodule, dans son pyjama d’enfant.

Un extraordinaire ver plat, magmatique, en défilé haute-couture.

Sur les bancs de sable, lorsqu’on attend allongé, immobile, la venue des raies manta, on peut aussi s’amuser à observer les anguilles jardinières – aussi appelées hétérocongres. Elles se dressent hors du sable, tiges pointillées de noir, oeil rond, et se rétractent au moindre mouvement pour mieux ressortir une fois le danger passé. Marrantes.

On peut observer également des comatules, fascinants animaux dont les petits corps griffus sont pourvus de ce qui semble des plumes immenses qu’elles enroulent au repos en sculptures d’osier.

On trouve des nudibranches, bien sûr, à l’image de cette minuscule phyllis tricolore.

Et puis, enfin, on peut rencontrer ces incroyables poissons-fantômes, dont le mimétisme imite à merveille des feuilles de posidonie. De véritables as du camouflage, furtifs, qui volent en escadrille.

Incroyable, non?

L'insaisissable faucon à long bec.

La photographie sous-marine est particulière : il faut parvenir à s’équilibrer parfaitement, régler ses appareils – lumière incluse – trouver un cadrage d’ensemble qui mette le sujet en valeur, tout cela sans trop s’attarder pour ne pas enquiquiner le reste de la palanquée. Pas super compliqué, mais délicat.

En général, j’aperçois d’abord l’image que je veux saisir, puis je m’approche et je me mets naturellement en apnée, sans y réfléchir, le plus immobile possible. Parfois, la photo est réussie ; parfois, non. La mise au point ne s’est pas faite comme je le voulais, ou bien, le plus souvent, le sujet, pourtant figé, s’est brutalement évaporé pile au moment du déclenchement. Le farceur.

C’est le cas d’un merveilleux petit poisson, le faucon à long bec, que je n’avais jamais réussi à prendre correctement, ni au Soudan, ni en Egypte. La plupart du temps, il vit caché dans les ramures en forme de fougère du corail noir. Dès que je vois un buisson de cette variété, je regarde dedans : et il est là, mon faucon, un farouche hyper actif qui ne tient pas en place. Même si je me statufie parfaitement, pfuit! Le voilà flou – et le cliché prometteur s’avère raté.

Le pire, c’est quand le faucon pose en dehors de son environnement habituel. Tel celui-ci qui m’a tiré un chapelet de bulles enthousiastes quand Mélanie me l’a montré :

Tout y était : le contraste de couleur, la branche de corail en présentoir à bijoux, le faucon nonchalamment perché dessus, immobile pour une fois. La photo du siècle? Et bien non! Une fois à bord, sur l’écran de l’ordinateur, grosse déception : l’autofocus s’est calé je ne sais où, probablement sur une poussière collée à la lentille hublot, et la photo est d’évidence ratée. Archi floue. Rogntudju!

Alors, sur les plongées suivantes, tandis que nous longions les anfractuosités du récif après nos stations en rebord de passe, je l’ai traqué mon faucon. Et pas qu’un peu. Pour le retrouver de nouveau, quelques jours plus tard, à l’abri d’un surplomb rocheux. Sans la lentille hublot, pour ne rien laisser au hasard.

Et je l’ai eu! Enfin net. Avec même un joli mouvement d’ensemble qui rend le cliché dynamique.

Pour autant, ça ne m’allait pas encore. Comme la palanquée s’attardait un peu plus loin, j’ai pris mon temps : de nouveau en apnée, sans bulle, pétrifié, patient. Et pan.

Je l’avais mon portrait expressif. Victoire! J’étais content – il m’en faut peu.

De la navigation

Bien sûr, une croisière – même dédiée à la plongée – ce n’est pas que le strict plaisir des trois immersions par jour.

C’est d’abord le mouvement de la houle, quand on a la chance de ne pas avoir le mal de mer. C’est aussi la contemplation des îles que l’on voit défiler.

Atolls phosphorescents.

Paradis perdus.

Enfers concentrationnaires pour touristes qu’on est soulagé de voir disparaître à l’horizon.

Ciels sublimes de la pleine mer.

Couchers de soleil féériques.

Nuages de poissons minuscules attirés par le puissant phare, que l’équipage pêche à l’épuisette et où viennent bâfrer des petits requins, ivres de toute cette friture.

Nuits étoilées contemplées allongé, depuis le pont supérieur éteint, à observer les constellations sans pouvoir les nommer, par ignorance.

La navigation, enfin, c’est le bonheur de dormir en mer, bercé par le mouvement du bateau. C’est même encore, quand l’insomnie troue parfois le sommeil, la satisfaction silencieuse de se tenir seul sur le pont, à contempler la nuit mercurielle dans la douceur de l’air marin.

Abordons une île, pour changer

Parce qu’à force d’en croiser, on se dit fatalement qu’il serait intéressant d’aller y faire un tour. Pour voir. Celle-ci par exemple, que nous désigne l’arc-en-ciel.

Un coup de dhoni plus tard et on se promène déjà dans les rues sableuses.

A l’autre bout, une vaste place bordé par la mer turquoise.

Des jeunes gens y jouent au volley.

Les plus âgés paressent à l’ombre. Les rues sont propres mais les bords de l’eau sont jonchés de détritus.

Je discute en anglais avec un essaim de gamin : d’où tu viens? De France. T’es musulman? Non. Tu connais Killian M’Bapé? Bien sûr! On fait une photo? Allez.

Bateaux de pêche sur le port minuscule.

Quais de sable.

Autres rues.

Habitants qui me parlent une langue à laquelle je ne comprends rien et à qui je réponds par un sourire.

Peu de boutiques sur cette île, mais une école maternelle bariolée et un collège bleu Klein, dont les murs sont ornés de préceptes moraux rédigés en anglais. J’ignore de quoi vivent les habitants, de pêche sans doute, et de services variés.

La foire aux requins

Revenons dans le courant, solidement accrochés au rebord de la passe, c’est l’heure de la fantasia.

Il y en a quelques uns, n’est-ce pas? Parfois tellement, au vrai, qu’avant même de s’accrocher, on ne sait déjà plus où pointer de l’index.

Ils défilent, fuselages argentés, impavides.

Se rapprochent, curieux de nos bulles.

Dans un sens…

Puis dans l’autre.

Durant la croisière, nous verrons essentiellement des gris dagsit, de fins requins de corail et quelques gros pointes blanches, semblables aux dagsit mais ponctués de tâches claires – d’où leur nom. Pas de requin-tigres cette fois, même s’il y en a.

Une fois, nous dériverons dans le bleu à la recherche des marteaux, mais en vain.

Nous n’apercevrons qu’un seul individu, qui passera au-dessus de nous, reconnaissable entre tous, solitaire curieux venu voir à quoi nous ressemblons avant de s’en aller plus loin. Je ne l’ai pas photographié : le cliché aurait été médiocre et j’ai préféré le regarder nager, fasciné.

Les remoras

Petite digression anecdotique au sujet de ces drôles de poissons parasites à tête plate, qui se ventousent aux grands pélagiques et se font nonchalamment traîner en profitant des miettes : Alexandra s’amusait fort, un jour, d’en voir un essayer vainement de prendre appui sur François ou sur Denis. Sans savoir, évidemment, qu’elle avait elle-même été choisie par l’un d’entre eux.

photo Cat Torres

Une autre variété

Observable isolément quelquefois au repos sous un gros rocher : le requin nourrice. De moeurs nocturnes, il se cache durant la journée sous un éperon de corail, et roupille, d’où son autre surnom de requin dormeur. En voici un, surpris à l’heure de la sieste. Au premier plan, virgules bleues rayées de clair, ce sont les petits labres nettoyeurs qui entrent effrontément dans les branchies des gros pour venir les débarrasser de leurs parasites.

Ce requin sera l’étonnante vedette de la seule plongée de nuit – mais quelle plongée! – que nous ferons à…

Alimata

Nous nous mettons à l’eau au crépuscule, à 15 mètres, non loin d’une île hôtel qui avait pris l’habitude, autrefois, de rejeter ses déchets à la mer. Les requins nourrice venaient y bâfrer dès la tombée du jour. Aujourd’hui, heureusement, l’île a trouvé un autre moyen de gérer ses détritus ; les requins, eux, continuent d’y venir, mus par je ne sais quelle mémoire ancienne. Ils affluent en petits groupes d’abord, puis, à mesure que la nuit tombe, ils forment des bancs de plus en plus denses qui circulent dans l’obscurité, éclairés par les phares des plongeurs, et nous frôlent, nous bousculent parfois. C’est proprement stupéfiant – au sens halluciné de l’adjectif.

A la nuit, on se crochète sur des bouts de corail mort, à même le sable, et on ne sait plus où donner de la lampe. Il en vient de partout.

Outre que je rencontre des soucis d’autofocus depuis le début, mon phare, très efficace de jour, la nuit ne vaut rien. Il diffuse trop largement et éclaire les particules sur lesquelles se fixe la mise au point. Photos floues. L’éclairage de Cat est plus performant, je lui emprunte donc les clichés suivants.

photo Cat Torres
photo Cat Torres

Cette danse incroyable des requins nourrice m’a fait un étrange effet musical : j’avais l’impression d’entendre une symphonie dont l’intensité montait par vagues sans cesse croissantes, jusqu’à ce que ce sabbat éclate de partout en explosions de cuivres et de cymbales. Je ne sais pas comment le rendre autrement. Du Berlioz sous acide!

Le flou, involontaire, a tout de même la capacité de rendre cette impression extraordinaire.

Dingue. Littéralement.

Raies

On rencontre communément la raie mobula, isolée comme ici le long du tombant.

Ou bien en groupes dans le bleu, semblables à des nuages de chauve-souris. Il y a aussi ces pastenagues éventail, à la peau si belle qu’on a l’irrépressible envie de les caresser.

Lesquelles viennent parfois, elles aussi, se faire nettoyer par les labres, sur des stations de nettoyage – des patates de corail que les raies repèrent je ne sais comment. Pas de panneau « éléphant bleu » à l’horizon, évidemment.

En vedette américaine : la manta

Lorsque le courant est sortant, très chargé en particules comestibles, on se pose sur le sable au fond des passes, à l’approche de ces stations de nettoyage, et on attend.

Les raies manta arrivent et tournoient, majestueuses, immenses. Parfois seules…

Ou par paires.

On les contemple, volant du lourd battement de leurs vastes ailes.

photo Cat Torres

On les photographie. On les filme.

Et puis, avec de la chance, on réalise un cliché qui sort du lot.

Joli doublé. Mine ravie du photographe qui grommelle sa satisfaction en gloussant dans les bulles du détendeur.

Fin de plongée

Lorsqu’il ne nous reste que 50 bars de pression dans la bouteille, ou bien qu’on a atteint 60 minutes d’immersion, il est alors l’heure de s’éloigner du récif et de sortir le parachute de signalisation.

Là, on attend trois minutes pour effectuer un palier de sécurité.

Sous la surface, entre cinq et trois mètres, on tue le temps. On se prend en photo.

Cat immortalise Mélanie…

Puis me photographie en train de cadrer Anne et Denis…

photo Cat Torres

Ou bien Alexandra.

Ou bien encore François…

Lequel me demande mon appareil et me shoote à son tour, et la boucle est bouclée : révérence.

Il ne nous reste ensuite qu’à lentement crever la surface, au soleil du matin, à celui plus zénithal du midi ou à celui, doré, du soir.

photo Cat Torres

De là, on attend le dhoni qui vient vers nous, guidé par le parachute. On s’accroche sur ses flancs grâces à des bouts mis là exprès, on enlève les palmes et on remonte à l’échelle. Facile quand il n’y a pas de houle, plus technique quand ça secoue. Anne s’en souvient qui, palmes ôtées, a dévissé de l’échelle et s’est mise aussitôt à dériver en glougloutant avant que François et moi ne la rattrapions par le poignet.

Puisqu’on parle de remontées secouées, il nous en est arrivé une spéciale, à mi-croisière. Rien qu’en regardant la surface, déjà, on s’est aperçu que la perspective était inhabituelle.

Une pluie battante! Dont la force des gouttes était telle qu’elles traversaient la surface comme des balles.

On n’a pas toujours envie de remonter dans ces conditions, même si on est déjà mouillé. Curieux, d’ailleurs, quand on y pense, ce sentiment sous l’eau d’être à l’abri de la pluie…

En haut, c’est tout de même amusant. On en rit, d’abord.

Puis un peu moins quand le grain s’intensifie.

Et quand la houle s’en mêle, on a le sentiment d’avoir troqué les Maldives pour la Mer du Nord.

La remontée à bord a été un peu chahutée ce jour-là, mais François et moi étions hilares, ballotés sur les flancs du dhoni, enchantés de ce tour de manège impromptu. Des gosses!

Terminus Laamu

Mais déjà la fin du séjour approche.

On parcourt des yeux le trajet accompli jusqu’à ce bout du monde.

Mélanie sort la boutique éphémère.

Repas de gala, l’occasion de photographier et de remercier les équipages des deux bateaux.

Puis, le lendemain, après une dernière plongée magnifique, de procéder au séchage méticuleux du fourbi.

Lequel colonise progressivement tous les ponts.

On passe la dernière nuit à bord.

Puis, au petit matin, on embarque sur le dhoni.

Pour un rapide trajet vers le petit aéroport de l’atoll de Laamu.

Le temps d’une dernière photo de groupe des quatre moniteurs – de gauche à droite, Bebey, Mélanie, Hussan et Ibrahim.

On discute – de plongées, évidemment. Ici, avec Jozef et Dominique.

Sur quoi, on s’entasse dans un bimoteur à hélice posé sur le tarmac de ce petit aérodrome tropical.

Et on refait le trajet en sens inverse, vu du ciel cette fois.

Inévitablement, je pense au Bateau Ivre : « j’ai vu des archipels sidéraux! et des îles / dont les cieux délirants sont ouverts aux vogueurs »

A Malé, comme nos fusées ne décollent qu’au soir, on s’octroie une journée d’attente de carte postale dans un hôtel qui d’évidence ne sert qu’à ça. Ou presque.

Enfin, après un dernier hommage aux autels locaux qui nous rappellent que l’Inde n’est pas très loin…

On retourne au point de départ, l’astroport de Malé où nous avions abouti dix jours auparavant.

Avec, en tête, cette certitude d’un retour à venir. Parce qu’on n’en a pas fini avec les Maldives. Ah non.

photo Cat Torres

12 réponses sur “Maldives : atolls sud17 mn de lecture

  1. Superbe reportage
    C’est exactement ce que l’on a vécus avec mon épouse entre le 25/12 et le 6 janvier
    On en a encore pleins les yeux
    Encore merci à Mélanie, bébé, hussan, tom…..et tous les autres
    Merci pour eux
    Bonnes bulles

  2. Super roman de notre croisière Patrick!
    Ça fait un très bon souvenir en complément de tes photos et de celles de Catherine.
    Au plaisir de se retrouver sur une autre croisière.
    Dominique

  3. Waouh ! Tout y est !!! Et tu as une aussi belle plume qu’un œil de photographe. Très plaisant à lire, regarder, à tel point que je vais partager hors de notre microcosme de plongeurs.

    Au plaisir de se retrouver un jour dans une même palanquée ?

  4. Merci Patrick ! Après quelques jours, c’est vraiment plaisant de lire ce que nous avons vécu et de te lire.
    Quelle plume et quelle fidélité de narration !
    Nous avons pu tout au long de la croisière apprécier tes clichés, c’est vraiment très sympa de les retrouver ainsi.
    J’espère que nous nous retrouverons dans une autre croisière, ou, moins fun mais tout aussi agréable, autour d’un verre en région parisienne.
    T’embrasse !

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