Au petit matin : quittons Villandry. Belle étape, digne de figurer au Grand Registre de Saint Lu.
Et marchons, seul, sur nos chemins préférés.
On arrive à la Roche aux Joncs. Un menhir dont on ne s’explique pas la provenance.
L’hôtelier m’a raconté qu’une sorte de flux magnético-tellurique le relie au château, via des passages souterrains datant sans doute du haut Moyen-Age. La ferme où j’ai dîné hier soir fait partie de ce petit triangle des Bermudes. Diable. Allons voir.
Bon. Ok.
J’attends en fermant les yeux d’être traversé par quelque chose, je ne sais pas, un truc. Mais non, rien.
Je repars, très déçu.
Grenouilles dans les mares, encore. Je songe qu’elles devaient utilement agrémenter la soupe aux orties, autrefois. Protéines gratis. Mais pas étonnant dès lors que l’anglois qui passait par là faire la guerre de Cent Ans nous baptise froggies. Ce qu’apprenant, vexée, la Pucelle Armée fond sur l’anglois et lui dit vas-y répète un peu pour voir, attend, twartagueule, etc.
Où en étais-je? Ah, oui. Marcher.
S’efforcer d’aimer le chemin. Ne pas toujours y parvenir.
Traverser des fermes qui dorment dans une douce ambiance post-nucléaire.
Longer des voies ferrées oubliées.
Ah non, pas celle-ci. Ma copine IPhiGéNie m’apprend même qu’il s’agit de la ligne Tours Chinon.
Et que, tiens, il y a une gare à Azay le rideau. Au cas où. Pour Chinon. Enfin, elle dit ça, iPhiGéNie, juste comme ça. Elle, elle s’en fout un peu.
Pas moi.
Je viens de faire quinze kilomètres. Si je compte ce qu’il me reste pour aller visiter le château d’Azay plus le trajet jusqu’à la gare et idem à Chinon pour gagner la chambre d’hôte, j’aurais fait un semi marathon. L’honneur sera sauf.
Et puis je n’en peux déjà plus. Allez, en terrasse pour fêter ça.
Conversation avec mon voisin. Ma rando sur Le GR, la Loire à Vélo et son absence de points d’eau. Il confirme, pour avoir déjà ravitaillé nombre de déshydratés, cyclistes autant que pèlerins à coquille. Je lui révèle alors la Sainte Route du petit beurre. Il se marre.
Loïc. Chevalier dans l’Ordre de Saint Lu.
Le château d’Azay ensuite, pile à midi, pendant que les bermudas multipoches sont à l’abreuvoir.
Et dans une salle, enfin :
Mon François. Je suis content de le voir – depuis Orléans, il n’y en a que pour la Jeanne.
Gare d’Azay ensuite. 28 à l’ombre. Pas un chat, ou presque.
Gare fermée, automate défaillant sur les cartes bancaires, pas de monnaie, le 0800 aux abonnés absents et l’application SNCF qui bugue, le tout sur fond de message en boucle.
Comique de répétition. Mais le train est à l’heure et j’y monte donc sans billet – tant pis.
Traversée de la forêt de Chinon en hobo.
Arrivée en ville : salon du vin en plein air. Partout sous les parasols, des gens très gais avec des verres.
Une conséquence, que m’annonce mon hôte : ça va être coton de trouver un resto qui ne soit pas complet.
D’ailleurs, j’y vais, là. Je vous raconterai.
Je vous montre quand même la salle de bain du jour, elle est pas mal.
Hein? Allez : chasse au dîner.