Dans les deux précédents articles, on aura compris l’essentiel du quotidien version Nice Diving : le rendez-vous au port à 9h00, les retrouvailles entre habitués, le gréement du bloc et la glandouille conviviale à la proue, puis la navigation, le largage ou le saut au mouillage selon les conditions et c’est parti pour 50 minutes de trip subaquatique. Parfois 60 les jours fastes.
Sur quoi, rinçage et rangement du fourbi suivi de la saucissonnade apéritive.
Ce qui pourrait paraître routinier ne l’est pas.
Chaque plongée est différente. La luminosité, la visibilité, la faune, la température, le courant, la houle de surface : tout est mouvant, changeant, éternellement renouvelé. Impossible de se lasser!
A ce régime, évidemment, le temps file à toute allure et j’ai un peu négligé le blog ces dix derniers jours.
Rattrapons-nous, donc, et courons à la recherche du temps passé. Mais pas perdu.
Un événement météorologique inhabituel lundi dernier : un matin de pluie.
Pas gênant. Et puis sous l’eau, j’aime bien regarder tomber la pluie sur la surface, grêle d’impacts en forme d’yeux ronds au plafond que j’observe au chaud dans la combi – déjà mouillé, donc serein.
Autre avantage de la pluie en littoral méridional : ça se dégage vite.
Et quand le soleil réapparaît et joue sous la surface, la lumière et l’ambiance dessinent des paysages oniriques qui rappellent les cenote mexicains, ces trous d’eau douce qui gruyèrent le sous-sol du Yucatan.
Les plongées se succèdent, toutes plus belles les unes que les autres.
Pour changer, je suis équipé cette fois d’un puissant éclairage vissé sur le caisson étanche de l’appareil.
J’aime pourtant beaucoup le paysage tel que le voit l’oeil sans apport de lumière blanche. Mystérieux. Romantique en diable.
Mais avec l’éclairage, les belles gorgones, déjà magnifiques quand elles sont bleues, révèlent leur belle robe pourpre.
Les bouquets d’anémones – dites « encroûtantes orange » – sortent de leur anonymat verdâtre.
Le corail rouge mérite enfin son adjectif.
Petite explication : comme on peut le découvrir en suivant ce lien, la couleur rouge disparaît dès les premiers mètres, puis l’orange s’efface, ensuite le jaune. A partir de 30 mètres, restent le vert et le bleu. Et à soixante, tout est d’un beau bleu profond, qu’intensifie encore une légère ivresse due à l’azote.
Dès lors, pour photographier par exemple le corail rouge dans une grotte, l’utilisation d’un phare devient nécessaire. Le mien diffuse largement une lumière homogène de 2500 lumens, ce qui correspond à une ampoule de 250 watts.
Le blanc neigeux qui sort du corail, ce sont les polypes, c’est à dire l’animal. La grotte en est hérissée. La protection draconienne des sites a du bon : dans les années 80, pour trouver du corail rouge, il fallait descendre très profond. Ici, il est à 20 mètres et même les niveaux 1 encadrés peuvent en profiter.
Certains poissons, eux, restent verts et brun – c’est leur livrée – mais l’éclairage précise tous les détails. Tel l’oeil rouge de cette jolie blennie bien nommée « cabot ».
Les barracudas, en revanche, rendent mieux en bleu. J’adore nager dans leur banc, au plus près.
Il s’écartent nonchalamment et, s’ils sont sur leur territoire, forment une danse en spirale autour des plongeurs. Pas menaçante du tout. Indifférente. Hypnotique.
Evidemment, les langoustes sont également beaucoup plus appétissantes en rouge et jaune. J’en salive dans le détendeur. De retour au port, d’ailleurs, je n’hésiterai pas longtemps en parcourant la carte du restaurant…
Autre avantage de l’éclairage, de brune, cette belle comatule écarlate se révèle flamboyante. C’est un animal, pas un végétal. Un échinoderme comme les oursins ou les étoiles de mer. Fascinant, non?
Sous l’eau, la confusion entre végétal et animal est permanente. Telle cette petite hervia – l’une de mes chères limaces colorées – posée sur la tige d’une algue dont elle semble la fleur.
Ou bien cette magnifique flabelline mauve.
Ou bien encore la doris dalmatienne, déjà aperçue dans un épisode précédent, et qui joue ici les crêpes suzette.
A quoi s’ajoutent quelques méduses. La plus commune, inoffensive :
Rhizostome – dite aussi poumon de mer. Ou bien cette pélagie, nettement plus urticante. Mais tellement élégante!
Plus tous les poissons communs de méditerranée, que je ne photographie pas toujours parce que je ne veux pas passer la plongée l’oeil rivé à l’objectif : serrans, girelles, corbs, saupes, sars, daurades…
Parfois, également, on ramasse quelques coquilles : des tests d’oursins, des coquilles d’ormeaux dont la nacre luit au soleil, des porcelaines… souvenirs. Mais on trouve aussi des choses plus imposantes, telles ces deux parties de grande nacre vide que tient Fred – mon binôme.
La grande nacre est un bivalve endémique de la Méditerranée, lié à l’herbier de posidonie. Hélas, elle a été dévastée en 2019 par un minuscule protozoaire. Elle est aujourd’hui en voie d’extinction.
Cet article en ligne de Géo t’en dira plus sur cette situation dramatique.
Sur quoi, l’après midi : balade rituelle au Mamac, le musée d’Art Contemporain qui propose cette année une belle exposition conceptuelle autour des éléments naturels, où je retrouve un plasticien que j’adore, Hicham Berrada, dont les installations étranges, élégiaques et poétiques me rappellent parfois les ambiances sous-marines, et où je découvre une autre artiste, Charlotte Charbonnel, dont les nuages en bocaux – colorés d’humour – m’enchantent.
Sur quoi : plage.
Comprendre : roupillon, baignade, lectures variées…
Puis retour au soir…
Et on recommence. Avec une relâche le dimanche.