Je parodie ici l’un des récits de jeunesse que Sylvain Tesson et Alexandre Poussin ont consacré à leur tour du monde à vélo : on a roulé sur la terre.
Moi, aujourd’hui, je me suis contenté du canal latéral de la Loire. Mais tu vas voir : des paysages superbes, des villages morts, un cimetière de péniches, le retour du soleil… Quand même : pas rien.
Au petit déjeuner, sous l’influence littéraire de la maison, en cassant le bout de mon oeuf à la coque, j’ai songé au motif de la guerre qui oppose Liliput à Blefuscu, dans les Voyages de Gulliver. On casse par le gros bout ou par le petit bout?
En remontant prendre mes sacoches, j’ai jeté un oeil au ciel par la fenêtre. Mouais. Gris mais pas de pluie. Température douce. Dix ou onze degrés. Allez : en route!
J’ai quitté l’hôtel à 9h20, puis la Charité, après avoir acheté un sandwich dans une boulangerie.
Et j’ai retrouvé la piste cyclable à la sortie de la ville.
Et la Loire, de nouveau.
Le gris s’est maintenu, sans pluie. J’ai juste trouvé à un moment que la température fraîchissait. Peut-être était-ce dû au vent, le long des champs.
On ne va pas se mentir, ce long tronçon rectiligne de piste cyclable n’était pas passionnant. Mais du coup, j’ai maintenu une bonne cadence, ravi de sentir que mes jambes revenaient à un niveau de performance qu’elles avaient oublié.
J’avais toujours mal au cul, certes, et pas qu’un peu, mais enfin, il y avait tout de même du mieux.
Sur quoi, à pédaler aussi vite, j’ai retrouvé le canal latéral de la Loire.
Je suis entré dans la commune de Marseille les Aubigny…
… à l’arrière de laquelle j’ai découvert un port batelier, à l’allure générale sinon d’abandon, du moins, de vétusté rouillée. Mais photogénique.
Tout l’ensemble, sous le ciel gris, avait un côté post-industriel déglingué.
Même la piste cyclable, qu’on aurait dit sortie tout droit de la chanson des Pogues, Dirty old town.
J’ai quitté ces bords peu roulants un peu plus loin, en empruntant une petite route de campagne.
Laquelle route m’a ramené vers la Loire, au fil de maisons d’écluses ou de villages mariniers pittoresques, mais morts.
Une nouvelle fois, comme lors de mes marches à pied, je me suis demandé comment on en était arrivé là : à vider villes et villages.
Cela étant, moi qui cherche la tranquillité, je l’avais. Pas à me plaindre : tout seul . De temps en temps, à des accès possibles en voiture de la piste cyclable, un type aérait ses chiens de chasse. Et c’était tout.
Après avoir contourné Nevers, je suis passé sur un nouveau Pont Canal. Celui du Guétin. Même principe qu’à Briare : le canal au-dessus, la Loire en dessous.
Après quoi, j’ai profité d’une table de pique-nique à la sortie du pont pour manger mon sandwich, et ôter mon coupe-vent et ma casquette puisque les quelques gouttes de pluie qui avaient commencé à tomber s’étaient arrêtées.
Un peu plus loin, à Gimouille, j’ai croisé un cycliste que j’avais vu à Briare ainsi qu’avant Sancerre. Bonjour réciproque, sans plus. Un farouche.
Ensuite, j’ai repris le long du canal. La piste cyclable était asphaltée mais bombée par les racines. Inconfortable. Douloureux, même.
J’ai dépassé le petit port de plaisance de Plagny…
… franchi une passerelle à laquelle j’ai trouvé des faux airs scandinaves.
A Sermoise, nouveau pont canal. Moins spectaculaire que les précédents, mais toujours aussi incroyable : ces voies d’eau qui se croisent, l’une en bas, l’autre en l’air…
Puis je n’ai pas quitté le canal, pendant presque trente kilomètres.
Parfois, la qualité de la piste était médiocre…
D’autres fois, c’était nettement mieux.
Voire même, dans les moments fastes, confortable et très joli, jonché de feuilles mortes. Ce qui m’a accessoirement procuré mon titre du jour, pas de petit profit.
De temps à autres, quelques balises attiraient mon attention. Comme cette vieille borne repeinte de frais, aux allures de petit suisse renversé…
Ou ce bête panneau digéré par un saule.
Vers 14h30, le soleil est revenu.
Lorsque je suis arrivé en vue de Décize, j’ai hésité. J’avais déjà 80 kilomètres au compteur, mais, outre que ce que j’apercevais des abords de la ville ne m’attirait guère, les deux propositions d’hébergement que j’avais trouvées sur les applications de réservation ne vendaient pas du rêve. L’une d’elle était même, explicitement, à fuir.
Comme hier soir, à table, m’interrogeant sur mon étape du jour, j’avais repéré un gite prometteur plus loin, à Gannay sur Loire, j’ai passé un coup de fil. Ouvert, chambre? Mais oui, on m’y attendait, avec plaisir. Et hop!
J’ai abandonné la piste cyclable pour attraper la départementale 116 qui filait en droite ligne vers mon arrêt du soir.
Je me suis rendu compte à cette occasion que si pédaler avec les passages de rares voitures est plus déplaisant que de rouler sur les pistes cyclables et les chemins, la vitesse, en revanche, n’a rien à voir. Sur le plat, je roulais assez facilement à 25 voire 28 kilomètres heures.
Du coup, à ce rythme, j’ai encore changé de département.
On faisant Bip Bip, au nez du coyote.
Puis je suis arrivé à l’entrée de Gannay.
Plutôt calme.
Je n’ai pas eu de mal à trouver le Domaine du Bourg.
Un endroit charmant tenu par un couple qui m’a chaleureusement accueilli et offert un repas copieux et bon.
Là-dessus, au lit! Fourbu.
En résumé
Parti de La Charité sur Loire à 9h20 ce matin, je suis arrivé à Gannay sur Loire à 16 heures 30.
Mon compteur m’annonce 95,48 kilomètres parcourus, pour un temps total de pédalage de 5 heures et 14 minutes.