Avant-Dire
D’ordinaire, je publie un article par jour pendant mes petits périples – pour le côté feuilleton – puis je regroupe les articles en question sur une page.
Or, durant ces quinze derniers jours de navigation, je n’ai eu que trop peu de réseau, voire pas de réseau du tout, pour pouvoir le faire.
C’est pourquoi, je vous propose ici, en articles rédigés après-coup, le récit de cette chouette évasion, laquelle débute le samedi 10 août, devant le terminal 3 de Roissy Charles de Gaulle.
C’est parti.
Roissy, Marsa Alam, Port Ghalib.
Parenthèse aéronautique : il existe des compagnies très bien qui desservent l’Egypte – la Turkish par exemple offre un bon rapport qualité prix – mais toutes passent par une escale incontournable. Depuis quelques années, si l’on veut voler en direct depuis Paris, on n’a pas pas le choix : Air Cairo ou Fly Egypt nous transportent sur des avions de troisième ou quatrième main, nous sanglent sur des sièges défoncés et brinquebalants en compagnie de personnels aux traits tirés – et inch’Allah.
Evidemment, l’idéal romantique serait de prendre l’Orient-Express jusqu’à Istanbul puis un vapeur, ensuite, pour traverser le canal de Suez en costume de lin. Mais l’époque étant ce qu’elle est – pressée – je suis tout de même content qu’un charter bas de gamme m’emporte en cinq heures de vol inconfortable pour me poser avec une heure de retard, à 2h45, ankylosé mais entier, et par conséquent tout sourire, en plein désert égyptien.
De là, récupération des sacs et transfert en minibus jusqu’à la Marina…
… où est ancré le bateau. Rapide installation dans la cabine et hop, sous la couette pour quatre petites heures de sommeil. On visitera demain.
Dimanche 11 août.
Réveil à 7h30. Le jour est levé depuis un moment, le bateau toujours à son mouillage ; on attend les autorisations de navigation. Petit aperçu de la cabine où nous allons passer les deux prochaines semaines :
La douche avec vue imprenable…
Les commodités…
On notera le rapprochement du wc et du lavabo, lequel rapprochement m’avait été fort utile lors d’une nuit déjà ancienne de grand dérèglement gastrique, passée à évacuer de bas en haut je-ne-sais quelle bactérie pendant que le bateau tanguait dans des creux de deux mètres. Ma première croisière égyptienne : souvenirs! Depuis, je ne pars pas sans avaler consciencieusement quelques probiotiques qui me font les boyaux en Téflon. Pour les curieux : il s’agit de lactibiane voyage, des laboratoires français PileJe. Fiable et très efficace.
Quittons la cabine et arpentons le pont supérieur, pour l’instant désert.
Au loin, au-delà de la proue, j’aperçois l’hôtel où j’avais séjourné une nuit avant de reprendre l’avion, en 2010. Envahi de russes ivres et braillards. La plage était surmontée d’un voilier échoué : il y est toujours, neuf ans plus tard.
Le voici de plus près, tiré de mes archives.
On fait connaissance les uns avec les autres, sur le pont principal, dans la chaleur où volent les mouches, puis vers 11 heures, enfin, on prend la mer…
Pour s’arrêter au bout d’une heure : premier briefing. A gauche, Bruno, directeur de plongée et grand connaisseur de la Mer Rouge, et à droite, Migo, instructeur égyptien. Manque sur l’image Félix, moniteur français et brillant photographe sous-marin.
Nous sommes 24 passagers : le bateau est complet. Outre mon collègue François et moi, une famille de Nice – père, mère, deux grandes filles adolescentes, une copine de la plus âgée, et deux garçons de quinze et huit ans ; un groupe de cinq lyonnais à la soixantaine passée ; deux célibataires trentenaires hommes, deux célibataires trentenaires femmes, deux autres femmes seules, un peu plus âgées, un ardéchois, seul lui aussi, un américain – signe d’esprit aventureux de sa part dans cette région du globe peu réputée pour son amour des états-uniens – et un couple étrange doté chacun des mêmes énormes lunettes de myope, qui se désespère de la perte de leur sac commun, égaré dans quelque triage d’aéroport.
La première plongée est destinée à reprendre ses marques et à réviser le lest (on plonge ici avec des combinaisons très légères et, normalement, des blocs (les bouteilles) en aluminium. Ajoutez à cela une salinité très élevée, et vous comprendrez qu’à moins que de se ceinturer de plomb, en Mer Rouge, on flotte comme liège. J‘ai troqué le bloc alu contre un acier de quinze litres dont j’ai l’habitude et ma combinaison n’a que 2,5 millimètres d’épaisseur. Je me jette donc à l’eau avec trois kilos… pour en rajouter un, finalement, après un petit test de surface, gilet vidé. Le même lest qu’en Méditerranée, en somme, mais avec 5 millimètres de néoprène en moins. Puis j’attends les autres en prenant une photo.
Sous l’eau, la complicité avec François est immédiate. Pari gagné : car c’est une chose de se connaître à terre, dans le travail, c’en est une autre de plonger ensemble. Même consommation, même sens aquatique : on s’est bien trouvé.
En revanche, un oeil sur les autres binômes : tout n’est pas fluide, loin s’en faut. L’un des lyonnais laboure le sable et les parents des ados, tout deux chargés de lourds recycleurs inexplicables, pédalent comme s’ils étaient sur des vélos. Discrètement, plus tard, je glisserai à François que je les appelle « papa et maman panzer »…
Je retrouve les coraux – dont la variété, durs comme mous, semble infinie – et j’en profite pour continuer les essais avec mon appareil acheté avant le départ.
Pas très satisfait du résultat trop bleuté mais c’est un début. Avec le phare, trop rouge. Ah.
Nous faisons une deuxième plongée l’après-midi, avec les zodiacs – et j’aperçois une raie aigle qui survole le platier du récif mais que François ne voit pas – puis, tandis que tombe le soir, nous dînons en continuant de faire connaissance les uns avec les autres, avant de naviguer toute la nuit vers le sud, en direction des sublimes récifs de Fury Shoal.
Bon début.