Du voyage à vélo10 mn de lecture

Pourquoi voyager à vélo? Réponses ici! 

Au départ, la rubrique « à vélo » figurait au programme des Fantaisies. Mais faute d’opportunités et/ou de projets, je l’avais provisoirement enlevée du menu.

Et bien je l’y remets aujourd’hui car je vais très prochainement pédaler de Fontainebleau à Avignon, en roulant sur les traces d’un ami récemment foudroyé, Jean-Michel, pour en rejoindre un autre, Olivier, bien vivant, lui, le veinard, et qui partagerait même le périple à mes côtés s’il n’habitait pas bêtement au terminus.

Mais d’abord, comme toujours avant l’aventure : le bavardage. Je vais donc te parler de mes différents vélos, de Jean-Michel et d’Olivier, et de ce trajet qui, au départ de Paris, fut jadis le premier voyage jamais entrepris à vélocipède. Rien que ça. Pour finir, je te parlerai de quelques accessoires puis d’une récente déconvenue concernant le mariage raté du train et du vélo. C’est parti.

Table des matières

Des bicyclette(s)

Je ne me rappelle pas mon premier vélo. Sinon qu’il m’a laissé une belle cicatrice sur le cuir chevelu, à cause d’une chute dont je ne me souviens pas non plus. Les deux amnésies sont peut-être liées.

Ma deuxième bicyclette était un modèle pliant, avec une grosse charnière sur le cadre. D’une belle couleur cuivrée – rouille, disait-on alors, mais sans les connotations oxydées. Je ne crois pas qu’elle était de marque Motobécane ou Peugeot – Gitane, peut-être – mais elle ressemblait tout à fait à cette photo empruntée aux petites annonces en ligne.

C’est drôle : en regardant cette image, tous les détails me reviennent, jusqu’à la sensation des stries caoutchoutées des poignées dans mes paumes de main. La pompe se fixait exactement comme sur celui-ci, au porte-bagage. Entre autres souvenirs remarquables avec ce vélo, je me rappelle une descente très raide dans laquelle je m’étais jeté à 8 ans, conscient de flirter avec la limite de quelque chose mais fermement décidé à m’y lancer quand même. Le goût de l’aventure, déjà. J’avais évidemment perdu le contrôle de l’engin à mi-pente et fini la dégringolade en bas, dans les graviers et les ronces de cet immense terrain de l’Hérault où nous campions à Pâques avec mes parents. Aïe.

A 10 ans, mon « petit rouille », comme je l’appelais, était devenu inadapté à ma taille, malgré la selle et le guidon montés à bloc. Je rêvais – littéralement – d’un demi-course. A Noël 77, j’ai donc reçu en cadeau un beau Marinelli bleu, trois vitesses, le seul de mes vélos à avoir été pris en photo, dans le jardin de mes grands-parents où je pose en compagnie de Damien, l’un des enfants que gardait ma mère. 

J’en ai fait des kilomètres avec ce vélo. J’avais une limite horaire imposée par le couvre-feu familial mais pas de consigne spatiale : je m’échappais donc souvent du quartier pour aller pédaler dans la campagne alentour, sans carte, en me fiant aux panneaux routiers et à ma mémoire pour rentrer à l’heure. 

Puis ce Marinelli – du nom d’un coureur cycliste porteur en 49 du mythique maillot jaune, devenu par la suite entrepreneur à succès et maire de Melun – le Marinelli, donc, est à son tour devenu trop court. Vers l’âge de quatorze ans, gagné par une sorte de nihilisme punk propre à la période, j’ai inversé le guidon cornes en l’air et je l’ai utilisé pour faire des acrobaties dans un parc, non loin du nouveau quartier où nous avions emménagé. A la réception d’un chouette saut, la potence du guidon s’est brisée net et j’ai valsé dans le décor. Fin du Marinelli – peu conçu pour être utilisé comme un BMX – et fin de l’enfance aussi, en quelque sorte.

Un Motobécane rouge rubis l’a remplacé peu après. C’était le modèle D21 dans le catalogue 1980 : 

J’ai traversé l’adolescence en sa compagnie permanente, me faisant parfois tirer par des copains à mobylette, m’en servant pour aller chez les un(e)s et les autres, ou bien encore roulant avec mon père tous les dimanche matin – pour une moyenne hebdomadaire de cent bornes avalées en quatre heures.

Je ne sais pas ce qu’il est devenu, mon Motobécane. En 86, j’ai eu ma première voiture et le rayon de mes déplacements s’est trouvé à ce point élargi qu’il est resté croupir à la cave. Lorsqu’ils ont une nouvelle et dernière fois déménagé – je vivais alors à l’étranger – mes parents l’ont bazardé. Il a peut-être fini comme ce modèle bien mal en point, photographié au printemps 2000 à Paris, et dont l’état pitoyable m’avait ému.

Au milieu des années 90, lorsque je me suis installé à Nîmes, les demi-courses avaient disparu de la circulation, ringardisés. Le temps était désormais aux conquérants Mountain bikes, comme celui-ci.

Deux tiers de mon salaire mensuel de misère! 

Je m’en suis servi quotidiennement pendant dix ans, à Nîmes et alentours d’abord, puis à Mende ensuite, et finalement en île de France,  pour rejoindre tous les collèges où j’enseignais. Par goût ludique de l’effort sportif beaucoup plus que par conviction écologique, mais aussi parce qu’il me permettait de faire en vingt minutes un trajet qui me prenait le double en voiture ou en transports en commun. Que des avantages, en somme, avec  en prime le maintien des pulsations cardiaques au repos sous la barre des 50. 

Aujourd’hui, dans la mesure où je réside sur mon lieu de travail, je l’utilise moins. Mais je le prends systématiquement pour me déplacer en ville le temps d’une course rapide. Ou bien quand j’ai envie d’arpenter les allées forestières de Fontainebleau autrement qu’à pied, pour changer.

J’adore ce vélo. Sa longévité en témoigne. J’ai de plus découvert récemment qu’il était assez recherché, comme tous les VTT Décathlon des années 90, pour la souplesse et la robustesse de son cadre en acier.

Et puis je l’ai entretenu, celui-ci. Uniques traces de maltraitance : des éraflures sur la fourche consécutives à un méchant gadin hivernal il y a plus de quinze ans – un camion poubelle m’a serré dans un virage, sur une flaque de verglas, et je suis allé m’éclater le bassin sur l’angle d’un trottoir. Plus de peur que de mal cela dit, hormis un hématome de la taille d’une entrecôte. Mais évacuation par les pompiers quand même – les passants, effarés, insistaient.

Les manettes de vitesse ne sont pas d’origine – usées, elles ont été remplacées il y a quatre ans – et les pneus, évidemment, ne sont plus ceux du départ, de même que les mousses de poignée, sur le guidon. Mais tout le reste est intact et délicieusement vintage. Je viens de procéder à une petite révision, avec changement des chambres à air : une horloge.

Je n’ai plus qu’à rajouter un porte-bagage, une paire de sacoches étanches, réfléchir à deux ou trois autres accessoires et hop : à nous la liberté!

Jean-Michel

© jmg 2020

Compagnons de fiestas dans les années 80, nous nous étions un peu perdus de vue, Jean-Michel et moi. Nos routes parfois se croisaient, à l’occasion de soirées chez des amis communs, par exemple. C’était tout. Et puis il y a deux ans, tandis que j’allais à Paris en train, le hasard avait voulu qu’il prenne place en face de moi.

Evidemment, nous avions parlé de la vie qui passe, ri de nos bacchanales anciennes, comparé nos paternités respectives et divorcées, mais nous nous étions surtout trouvé un nouveau goût commun pour les échappées libres. Jean-Michel avait suivi quelques articles que j’avais relayés sur Facebook et lui-même s’était mis au cyclotourisme, récemment. Il aimait prendre son vélo, sa petite remorque, et partir en balade, le nez au vent. Il envisageait prochainement un trajet nord-sud, jusque en Bourgogne.

Ce qu’il a fait, l’été 2020, en postant des vignettes-feuilletons sur les réseaux. 

Et puis au printemps dernier, j’ai appris son décès. Sans explication.  On l’avait trouvé mort chez lui, fin de l’histoire.

Je me suis dit alors que si j’entreprenais un périple à vélo, il lui serait immédiatement dédié, forcément.

Olivier

J’ai rencontré Olivier au collège, en troisième – notre goût juvénile et commun pour les maquettes nous avait rapprochés. La classe de seconde nous a un peu éloignés ensuite, puis, en première, nous avons de nouveau passé du temps ensemble, notamment à vélo, à parler du rock et des filles, préoccupations exclusives de ces années-là.

L’été 85, nous avons fait le tour de l’Irlande en auto-stop, tous les deux, sacs au dos. Nous nous étions baptisés les french baroudeurs et nous avons fini ce voyage formidable et pluvieux en nous faisant des bras d’honneur sur le quai du Havre, ne nous supportant provisoirement plus l’un l’autre.

Nous nous sommes réconciliés à l’automne, autour d’une liqueur de noisette qu’Olivier avait faite lui-même, potion digne des Tontons Flingueurs sous l’influence de laquelle nous avons commencé à planifier un tour intégral de la Méditerranée à mobylette, projet d’envergure qui en resté au stade d’ébauche rêveuse – dommage. Puis nos vies respectives ensuite nous ont happés, sans jamais toutefois nous éloigner, sinon géographiquement. Sur quoi, il y a huit ans, Olivier a revendu sa maison en région parisienne pour aller s’installer dans le Gard, à Roquemaure non loin d’Avignon. 

L’idée, c’est donc d’aller lui rendre visite, à Olivier, mi-octobre et à vélo, très exactement comme je le rejoignais chez lui autrefois, quand nous avions seize ans, pour regarder Terminator sur le magnétoscope de ses parents en fumant comme des pompiers.

La distance n’est plus la même, certes, mais justement : challenge!

Le premier voyage à vélo

En commençant à creuser l’idée de ce projet, j’ai découvert qu’il était déjà inscrit dans l’Histoire. A tout le moins l’histoire du vélo. C’est toujours comme ça : on se croit moderne alors qu’on ne fait que marcher dans les pas des anciens. Bref.

En 1865, les frères Olivier  – hasard amusant, non? – quittent Paris pour rejoindre la maison familiale au Pontet, près d’Avignon,  en enfourchant leurs vélocipèdes – c’est à dire des engins sans pneu, sans chaîne et encore moins de dérailleur. Ils dévalent les presque huit cents bornes en huit jours.

Des furieux.

Un groupe de collectionneurs passionnés a réédité ce trajet historique – le tout premier voyage à vélo du monde – en 2015, en 14 étapes. On peut suivre leurs aventures en suivant ce lien.

Le 23 octobre prochain, je vais donc à mon tour me lancer dans une traversée de la France qui emprunte en grande partie les traces de ces précurseurs héroïques. Marrant, non?

Pourquoi les mêmes traces? Par scrupule historique? Je te dois la vérité : même pas. Durant mes préparatifs virtuels, tout comme j’avais inopinément rencontré les vélocipédistes, j’ai également découvert un site formidable : France Vélo Tourisme.

Sur ce site, le calculateur d’itinéraire est très pratique : on rentre son point de départ (Fontainebleau), son point d’arrivée (Roquemaure), et hop : le machin calcule la route en un clin d’oeil, avec export possible de la trace GPS compatible avec ma chère Iphigénie. Et tout ça sur des pistes cyclables, des chemins de halage, des petites routes désertes. Elle est pas belle la technologie? Attends, il y a mieux : figure-toi qu’en prime, le tracé présenté est quasiment le même qu’en 1865! Dans les grandes ligne – jusqu’à la Charité sur Loire, en tout cas.

Le reste emprunte la Nationale 7, notre mythique Mille Bornes au parfum suranné de congés payés. A ce propos, j’ai découvert un site génial, une vraie mine d’or : sur ma route. L’auteur y fait un inventaire très documenté des routes nationales de France

Copyright Marc Verney Surma-route.net

La RN7, toute mythique qu’elle soit, reste de toute façon peu adaptée aux vélos. A partir de la Charité, ma route sera donc sensiblement différente : Roanne, la Grand Croix, Chanas : diagonale vers le Rhône hors des routes express.

Accessoirement

Evidemment, dans la perspective de ces deux semaines à venir, il m’a fallu investir dans quelques compléments que je ne possédais pas, afin de transformer mon VTT en randonneuse.

Ajouts

J’ai acheté un porte-bagage solide et je lui ai adjoint deux sacoches étanches de la marque allemande Ortlieb, bien connue des cyclotouristes.

J’ai conservé ma vieille sacoche de cadre Decathlon pour y mettre mon petit outillage et surtout ma batterie externe car j’ai également amélioré le cockpit en installant un support aimanté de la même marque que ma coque de téléphone étanche, Lifeproof.

Ce qui me permettra d’avoir en permanence la carte sous les yeux. Commode.

Le compteur, lui, est un modèle tout simple qui sert à regarder défiler les kilomètres. Ou à s’enorgueillir de la vitesse de pointe en descente avec le vent dans le dos. Il est venu remplacer le vieux, totalement HS.

J’ai aussi changé ma vieille selle, lui préférant un chouette modèle avec sillon de confort pour le périnée – ça compte, si, si – puis j’ai monté une béquille indispensable du fait des sacoches et remplacé également le garde-boue arrière – celui que j’avais, très typé VTT, se trouvait contraint par le porte-bagage et aurait produit un bruit désagréable à chaque vibration. Enfin, j’ai ajouté un feu arrière à pile – je ne compte pas pédaler la nuit mais on ne sait jamais. Pas de phare avant : j’ai ma frontale.

Et voilà.

Côté chiffons

Sur moi, je porterai les vêtements  à la mode MUL habituelle : 4 couches pour faire face à toutes les situations. Pour le bas du corps, après avoir essayé tout un tas de solutions alternatives incluant mon vieux cuissard long à bretelles dit « Frère Jacques », je me suis acheté un pantalon de VTT ainsi qu’un caleçon rembourré. Tous les deux de la marque Endura, spécialisée dans les vêtements de cycliste. Je me suis racheté des mitaines aussi, pour soulager les paumes – les vieilles ont disparu dans mes innombrables déménagements.

S’il pleut – pourvu que non – j’utiliserais ma veste d’alpinisme, que je prends aussi en kayak, l’hiver. Je passerais éventuellement mon surpantalon ultraléger. Et puis, comme mes tiges basses de trail ne sont pas waterproof, je me suis procuré des chaussettes réputées imperméables et chaudes – marque Endura toujours.

Pas de casque. Mais mon indispensable casquette.

Dans les sacoches, toujours le principe MUL : un seul kit de rechange, ma trousse de toilette et sa mini pharmacie. Le froid humide et la tombée de la nuit précoce en automne m’ont dissuadé de camper : exit donc la tente, le matelas, le duvet, la popote et le réchaud.

Pour être présentable le soir, j’embarque un pantalon propre, un polo et un pull, ainsi que mes Magical Shoes pour le cas où les autres chaussures seraient trempées.

Entorse à l’impératif MUL : j’emporte aussi mon macbook parce que j’ai envie de renouer avec la publication en feuilleton et que sur le téléphone, la rédaction des articles est définitivement trop compliquée.

Mon petit sac de 22 litres contiendra ma poche à eau, mon appareil photo, et les deux ou trois choses que j’aurai besoin d’avoir à portée de main : papiers, porte-monnaie, etc.

Et c’est tout. Je crois.

Ah non, j’oubliais : j’ai dû également me procurer un dernier accessoire que je n’avais pas prévu, et qui est l’objet du prochain paragraphe.

Train + vélo = ?

Au début, je m’étais dit : fastoche, le retour en train. Je réserve une place en TGV avec mon vélo en bagage accompagné, et hop.

Quel naïf!

Sur le site de la SNCF, ça paraissait pourtant limpide. Le genre prévu pour.

Et en effet, quand on veut réserver son billet, il y a bien une case à cocher.

Une autre fenêtre s’ouvre…

Jusqu’ici tout va bien. On applique, le moteur de recherche recherche… Et le résultat tombe.

« Aucun train avec un espace vélo disponible. »

Evidemment, je tente tous les horaires, je décale même mon retour au lundi.

Mais rien. Des nèfles. « Aucun train avec un espace vélo disponible ». En boucle.

Et la suite, insidieuse :

« Nous vous conseillons d’effectuer une nouvelle recherche en choisissant la solution « vélo plié ou démonté sous-housse ».

Je peste et opère une rapide navigation en ligne – train + vélo = ? -pour tomber sur des articles édifiants, dont celui très complet d’Isabelle Lesens : le vélo, éternel allié incompris du train.

Bon. Pas le choix. Il ne me reste plus qu’à acheter une housse au format normalisé par la SNCF (120X90 max), à me la faire livrer chez Olivier pour, la veille de mon retour, démonter mon vélo, l’empaqueter dedans et le porter avec le reste. Autant en choisir une belle!

D’autant que c’est un investissement : elle me resservira, y compris en soute d’avion. Parce que je ne compte pas en rester là, côté Fantaisies buissonnières à vélo!

2 réponses sur “Du voyage à vélo10 mn de lecture

  1. Merci d’avoir cité Isabelle et le vélo. Les rapports entre vélos et trains sont un sujet qui m’occupe régulièrement, tant d’un point de vue pratique que de recherche.
    Je me permet d’ajouter que lors du fameux voyage de Paris à Avignon, j’en étais ! voir mon article : https://www.isabelleetlevelo.fr/ancienblog/paris-avignon-a-velocipede-1865-%C2%A02015-921419.html.
    J’ai aussi publié un long reportage dessus dans Cycle!magazine de juillet 2016 (n°7)

    1. Bonsoir Isabelle,
      Avec plaisir : ton site – le choix du tutoiement est volontaire sur mon blog, n’y vois pas d’excessive familiarité – est d’une richesse rare.
      Amusant, cette connexion sur le voyage à vélocipède : je m’empresse d’aller voir ton lien!
      Bien à toi,
      Patrick

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