Descendre intégralement le Loing depuis sa source !
Marrant. Sur le papier.
Commençons par un peu de géographie.
Le Loing prend sa source dans l’Yonne, au lieu-dit la Ferme-du-Loing, laquelle se trouve sur un plateau calcaire à 320 mètres d’altitude.
Avant de se jeter dans la Seine à Saint-Mammès, le Loing court à travers trois départements (Yonne, Loiret, Seine et Marne), totalisant 180 kilomètres si l’on en croit cette carte émaillée qui figure à l’entrée de la source – mais Wikipédia annonce 143 kilomètres et le Sivlo (Syndicat Intercommunal des Vallées du Loing et l’Ouanne) met le curseur au centre avec 166 kilomètres. Qui croire?
Autre difficulté : le site rivières-info m’annonce que seuls 70 kilomètres sont navigables. Je les connais en partie pour les avoir déjà parcourus entre Grez et Moret, mais quid des 100 kilomètres non navigables? J’ai beau solliciter IphiGéNie à l’échelle la plus réduite, ça ne me renseigne guère.
Difficulté supplémentaire : j’ai prévu cette descente en juillet. En basses-eaux. Sauf si les gros orages de juin rechargent un peu le débit.
Cela étant, le Loing se double du canal de Briare à partir de Rogny-les-Sept-Ecluses, puis de son propre canal à partir de Montargis : en cas d’eaux insuffisantes ou encombrées, je pourrais emprunter au moins le premier. Mais naviguer sur des eaux plates, éclusées et contraintes : bof.
Allez : le mieux est encore d’aller voir sur place!
Et pendant qu’on roule sur les petites départementales, pour patienter, répondons donc à cette question : pourquoi le Loing?
Et bien d’abord – j’ose le calembour : parce qu’il m’est proche.
Il baigne pour partie ma région natale, le sud de la Seine et Marne, et confère à la partie du paysage qu’il arrose un charme irrésistible et pittoresque, sinuant à travers bocages, vallons et forêts, beaux villages de grès, vieilles propriétés soigneusement cachées de la route mais dont on aperçoit, depuis l’eau, les parcs bordés de saules, de peupliers et de pontons. Ce n’est pas Alfred Sisley qui démentira.
Petit, j’ai ramassé des écrevisses dans ses déversoirs entre Souppes et Bagneaux, puis, plus grand, je m’y suis baigné et l’ai parcouru en canot pneumatique et en kayak de location. Il a donc incontestablement un beau parfum d’enfance – un retour à la source, en somme.
En parlant de source :
Pour trouver celle du Loing, il faut d’abord se rendre dans l’Yonne, puis traverser la petite commune de Sainte-Colombe, en ressortir par le sud et monter environ deux ou trois kilomètres jusqu’à trouver un panneau qui envoie à droite sur une route étroite. 800 mètres plus tard, on y est.
Un monument envahi de lierre abrite une sorte de fontaine ornée d’une petite plaque.
En face de la fontaine, la source stagne et fait mare. Je grimace. Machette conseillée pour les premiers mètres…
Puis baskets obligatoires et portage du fourbi puisque le Loing s’enterre au moins jusqu’à Sainte-Colombe où il ressurgit à l’ouest de la commune.
Là-bas, j’ignore si je pourrais embarquer. On verra. Il me faudra peut-être marcher encore, dans des conditions dont j’ignore tout. Quelques sentiers noirs me permettront de couper, au cas-où. Entre Sainte-Colombe et Saint-Sauveur : environ 8 kilomètres.
Reprenons la route pour aller voir un peu plus loin.
Au lieu-dit l’Orme du Pont, le Loing forme un étang encombré de végétation qui lui donne des allures de bayou, lequel s’arrête sur un vieux mur de retenue, non loin d’une propriété qui semble un moulin. De l’autre côté, en contrebas : la rivière parcourt la ripisylve. Du moins, c’est ce que j’imagine parce que je ne m’y arrête pas et que je file vers Saint Fargeau. Aussi ai-je emprunté cette photo au Sivlo mentionné supra.
Photo qui représente en fait la ripisylve plus haut, à Dammarie sur Loing.
Quoiqu’il en soit, difficile de dire si on peut y pagayer. Pas assez profond. Reste quoi? Haler le kayak à la corde, en marchant dans l’eau? Mouais.
De Saint-Sauveur, je ferai éventuellement du stop jusqu’à Saint Fargeau. Je sais : vous vous dites, de l’auto-stop avec un kayak? Mais oui, ayez confiance! Ou alors allez voir ici.
Revenons pour l’heure à Saint-Fargeau, où je me méprends avec enthousiasme.
Ce que je crois être le Loing est en fait une autre rivière. C’est la dame du Syndicat d’Initiative qui me l’apprend. Elle me donne plusieurs dépliants. Je lui parle de mon projet et mentionne la carte émaillée de la source. Elle me confie alors que c’est son beau-père qui l’a peinte – amusant – et me montre sur l’une des cartes de l’Office du Tourisme le Loing qui passe au sud de la commune. Elle ignore si on peut y faire du canoë, il y a quelques petites passerelles très basses, dit-elle.
Là encore : on verra.
Profitons du château…
Et poursuivons le tourisme jusqu’à Rogny et ses Sept Ecluses – conçues au tout début du dix-septième siècle par Hugues Cosnier pour prolonger à la demande de Sully et d’Henri IV le canal de Briare et donc, relier la Loire et la Seine via le canal d’Orléans, au nord.
Gros chantier. Pharaonique voire. A la main, dans un calcaire dur et compact, douze mille hommes piochent et suent sang et eau. On y achève aussi des chevaux. Un premier bateau franchit ce grand escalier d’eau en 1609, puis Ravaillac poignarde Henri IV : arrêt provisoire des travaux. Je passe quelques anecdotes – Guerre de Trente Ans, mort d’Hugues Cosnier, Louis XIII et les mousquetaires, etc – et nous voici en 1642 : les écluses de Rogny fonctionnent de nouveau à plein et voient passer 4000 bateaux et 200 000 tonnes de marchandises par an, pendant deux siècles, avec cependant un léger inconvénient : leur largeur interdit les croisements. Longue est l’attente de haut en bas.
En 1880, elles sont donc abandonnées au profit de six écluses construites au gabarit Freyssinet – comme les péniches du même nom – qui contournent la colline et renvoient le trafic au canal de Briare.
Le Loing passe plus bas, à gauche. IphiGéNie m’indique qu’il me faudra peut-être emprunter le canal jusqu’à la Savionnière, où la rivière devient nettement plus navigable.
Bien. J’en ai assez vu.
Passage par Montargis pour acheter des pralines chez Mazet, dans un décor sorti tout droit d’Harry Potter. Recommandation : outre les pralines, les mazettes amande, chocolat ivoire et pistache!
Puis retour à la maison, enfin, pour réfléchir à cette glorieuse expédition en liquidant compulsivement les mazettes.
Bonjour,
Je suis impatient de découvrir les péripéties de mon aventurier préféré.
Comme quoi, il ne faut pas forcement chercher au bout du monde l’exotisme n’est pas forcement bien loing.
A bientôt
Merci Jean!
En effet, il existe aussi de bien belles découvertes à faire autour de chez soi : les faire avec un oeil neuf permet d’apprécier encore plus sa région et de la reconsidérer en dehors de la routine quotidienne.
A bientôt