Dans ce domaine, apparemment contradictoire, il n’est pas question de se mettre en danger pour gagner quelques grammes. Ce serait idiot. Mais on va voir qu’il n’est pas opportun non plus de se charger pour rien.
NB : cet article fait partie d’un dossier d’ensemble consacré à la Marche Ultra Légère, accessible ici.
L’encombrement superflu provient toujours de la peur. Ici, de la peur de manquer. S’en libérer, c’est donc déjà se faire plus léger.
Belle vérité, me diras-tu, mais comment faire ?
Et bien, mémorisons d’abord la règle suivante : on survit jusqu’à 3 jours sans eau potable et 3 semaines sans nourriture. C’est connu. Validé. Ayons au passage une pensée pour les cobayes…
A partir de là, on s’interroge : en fonction du contexte dans lequel on s’apprête à évoluer, quels sont les risques objectifs de se retrouver trois jours sans eau et trois semaines sans nourriture ?
Pour l’eau, ça peut être parfois compliqué. On va y venir. En ce qui concerne l’alimentation en revanche, dans un grand nombre de destinations, c’est simple : aucun risque.
Manger
Dès qu’on peut se ravitailler régulièrement, il est totalement inutile d’emporter des kilos de vivres. Quelques en-cas pallieront les échoppes fermées ou les villages morts en attendant de trouver un refuge, un restaurant, une boulangerie-charcuterie…
Dans les conditions décrites ci-dessus, je n’emporte avec moi que deux sachets de congélation. L’un contient 300 ou 400 grammes de fruits secs, un mélange du type baies de goji, cranberries, physalis et mulberries, agrémenté de raisins secs, qui me dure environ dix jours. L’autre renferme 200 grammes de cacahuètes grillées salées qui font, pour moi, un coupe-faim idéal. Dans les Alpes françaises, sur des circuits classiques, je prends aussi un saucisson et un gros morceau de Comté et je tiens environ une semaine dessus.
Du coup, en matière d’ustensile de cuisine, je n’ai plus besoin, en plus de mon couteau suisse, que de ça :
Je n’utilise la fourchette-métallique (20g) en titane que sur des successions de bivouacs autonomes : elle est agréable à utiliser mais elle est lourde par rapport à sa consœur en plastique (8g), qui me suffit, elle, à piocher dans des barquettes de légumes râpés, de salades de riz ou de taboulé achetées en épicerie quand il y a des épiceries.
Je ne prends pas non plus de réchaud, sauf exception.
On m’objectera qu’une soupe chaude, le soir, à la montagne, c’est utile pour se réchauffer. Admettons. Mais un bon duvet fait aussi l’affaire. Qui dort dîne, assure l’adage. Et puis on peut également se restaurer copieusement (et se doucher à l’eau chaude) dans un refuge et repartir planter sa tente sur une aire de bivouac – surtout quand, comme moi, on apprécie peu les ronflements collectifs dans les dortoirs surchauffés.
Idem pour le café chaud du matin : en rando, ça ne m’apporte rien, ou pas grand chose. Je préfère reprendre la marche après quelques poignées de fruits secs et une grande rasade d’eau fraîche, sachant là aussi que dans un rayon de trois ou quatre heures au plus, j’arriverai sur une terrasse accueillante, exposée plein sud, et qu’il y aura de la tarte aux myrtilles avec l’expresso. Voire de la charcut’ et une bière.
Exit par conséquent les provisions gargantuesques, les boîtes de cassoulet et les jambons auvergnats. Rechargeons-nous au fur et à mesure et si, par manque de chance, on en vient à planter la tente sans avoir pu se restaurer autrement qu’en piochant dans ses graines, on se dira que toute expérience est bonne à prendre et qu’il existe, à travers le vaste monde, des situations bien plus dramatiques que la nôtre.
Bien entendu, si les étapes ne sont jalonnées que de campings sauvages sans ville pendant trois ou quatre jours, on reconsidèrera le paquetage, et les repas lyophilisés de cosmonautes amateur retiendront alors toute notre attention. Il me faut d’ailleurs rédiger prochainement un article à ce sujet, après en avoir essayé quelques uns.
Le réchaud
Comme je l’indiquais précédemment, je ne l’emporte qu’en cas de séries de bivouacs autonomes. Et dans ce domaine, j’ai évolué.
Voici ce que j’utilisais jusqu’à récemment, pour mes escapades en kayak notamment, où l’approvisionnement est toujours hasardeux.
C’était un ensemble de la marque Optimus, popote, casserole et poêle, avec un fond très commode qui enserrait la flamme et optimisait le temps d’ébullition, et donc économisait du gaz.
Le réchaud lui-même était tout petit. Et performant.
Super matos. Mais l’ensemble pesait 800 grammes! Lourd. Très lourd.
J’ai donc revendu tout ça pour me procurer beaucoup plus léger.
345 grammes décomposés comme suit : réchaud Fire Stove, popote titane Toaks 500ml avec couvercle, cartouche gaz 100 ml, briquet Bic.
La popote est d’une légèreté surprenante et accueille facilement dans sa housse la cartouche de gaz de 100 grammes, le réchaud et le briquet. Top. Les 500 ml sont amplement suffisants pour faire chauffer l’eau de plats lyophilisés, entre autres. Quant au mini réchaud….
… il est aussi efficace que mon Crux. Sa puissance annoncée est un poil moindre – 2700 watts contre 3000 pour le Crux – mais franchement, je ne vois pas la différence. Dans la cuisine, il est vrai. Sur le terrain, on verra, mais je l’emballerai dans un pare-vent en titane et ça fera la blague.
Tout ça m’a permis de diviser le poids par deux, au moins!
NB : j’ai découvert que certains randonneurs MUL bricolent un réchaud à alcool dans une canette d’aluminium. Poids négligeable, même en comptant l’alcool gélifié. François, auteur du site Randonner-malin.com, t’explique entre autres conseils avisés issus de son expérience comment bricoler ce type d’engin.
Je n’ai pas testé mais en revanche, j’ai pu essayer un micro réchaud à alcool de l’armée suisse, le M71. Très efficace, certes, mais le transport de l’alcool est galère et sa gestion aléatoire. Je préfère donc le gaz, beaucoup plus pratique.
ASTUCE : pour connaître ce qu’il me reste de gaz dans la cartouche, je la trempe dans une bassine avec de l’eau : la ligne de flottaison de la cartouche m’indique le niveau de gaz restant.
Consommation moyenne pour une cartouche de 100 grammes = 24 ébullitions de 50 cl d’eau. De quoi tenir deux semaines avec café le matin – ou lyophilisé petit déjeuner – et le repas chaud le soir.
Boire
La problématique est binaire : potable / non potable.
Soit tu te trouves dans un secteur où l’eau potable est régulièrement disponible et tu n’auras besoin que d’une gourde – voire de deux, on va voir lesquelles dans un instant – soit tu n’es pas assuré(e) que l’eau soit saine et il te faut alors t’équiper de quelques accessoires.
Eau potable disponible
Marches ponctuées de villes et villages, de fontaines publiques, de commerces, etc. Une gourde d’un litre suffit.
A noter toutefois que même dans des secteurs très civilisés, la quête de l’eau peut s’avérer compliquée, cf cet article de la Route de Saint Lu.
Idem dans certains pays d’Europe où, en raison des ravages de l’agriculture intensive, l’eau du robinet n’est pas même conseillée pour cuire des pâtes.
Après avoir utilisé plusieurs générations de bidons rigides – vieilles Grand Tétras bombées à bouchon de limonade, beaux cylindres Siegg mousquetonnables – j’ai définitivement adopté les gourdes souples, voire même, récemment, les bouteilles plastiques type Perrier.
En randonnée, j’ai abandonné l’usage de la poche à eau avec pipette qui permet de boire sans ôter le sac parce que je me suis aperçu qu’à cause d’elle, je ne faisais quasiment plus de pause. Je buvais en marchant. Or, le fait de s’arrêter, de tirer la gourde de son sac et de profiter du paysage en s’hydratant constitue une parenthèse nécessaire et agréable, pour le corps autant que pour le cerveau. Retour à la gourde, donc.
Celles de la marque Platypus sont parfaites. Peu chères, très légères (24g) et surtout : pliables et résistantes. Une bouteille plastique de type Perrier est très bien aussi, plus facile à remplir mais moins pliable, on ne peut pas tout avoir.
Un mélange des deux est assez commode pour de multiples raisons : on peut remplir la Perrier facilement au torrent et boire immédiatement à même le filtre vissé dessus, cependant que la gourde souple reste pliée dans une poche tant que l’accès à l’eau est facile ; on peut aussi remplir les deux quand l’eau se raréfie ou avant de gagner le bivouac et si l’eau est vraiment douteuse, on peut laisser infuser des pastilles désinfectante dans l’une sans condamner l’usage de l’autre.
C’est la formule que j’ai fini par retenir en randonnée. En kayak, en revanche, je n’emporte que ma poche de deux litres que je remplis à la rivière, que j’attache derrière mon dossier et je bois à la pipette branchée directement sur le filtre, lui-même vissé sur le goulot de la poche.
Eau douteuse
Par eau douteuse, je ne parle ici que d’eau claire : les eaux boueuses ou stagnantes sont à fuir absolument ou à filtrer par des procédés complexes que je n’entends pas détailler ici. Fais un tour chez les amateurs de survie qui sauront t’expliquer tout ça bien mieux que moi.
Depuis ma mésaventure sur les bords de Loire, je ne pars plus sans avoir un filtre avec moi. J’ai d’abord eu le Trailshot, de MSR, mais je l’ai revendu car il était très lent (il fallait pomper, pomper, pomper avant de pouvoir boire… ) et d’un encombrement et d’un poids finalement assez importants (140 grammes).
A la suite d’une rencontre sur le GR 54 avec une randonneuse adepte elle aussi de l’allègement, j’ai définitivement opté pour le filtre Micro squeeze de Sawyer. Tout petit, d’un poids négligeable (46g), il présente de plus l’avantage de se visser directement sur la gourde ou sur une bouteille plastique et de permettre de boire tout de suite. J’en suis très content.
En parallèle, dans les Alpes, ou partout ailleurs quand je me méfie de l’eau, j’utilise en plus du désinfectant. Celui-ci, depuis des années :
Je ne prends qu’une plaquette. Voir une demi, selon les contextes. En trente ans, le fabricant a fait de gros progrès et l’eau désinfectée sent bien moins le chlore qu’autrefois. Inconvénients : hors de prix et se périme en deux ans.
Petite parenthèse à propos des torrents de montagne à l’apparente eau d’Evian : autrefois, je considérais comme fiables ceux qui coulent à plus de deux mille cinq cents mètres d’altitude, sourdent d’évidence d’un glacier ou d’un névé accroché à un pierrier raide et au-dessus desquels aucun troupeau n’a pu aller brouter et crotter. Aujourd’hui, je me méfie même de ces derniers. Une charogne d’oiseau peut y croupir, invisible et sournoise. Je filtre donc systématiquement l’eau.
Pourquoi?
A cause d’une magnifique expérience saharienne, vieille de presque trente ans, au cours de laquelle une grande rasade de pure oasis m’a déclenché trois mois de dysenterie. Même à l’Institut Pasteur, personne n’a compris ce qui se passait dans mes tripes. Depuis, je suis devenu très méfiant. Ou très sage.
A propos de l’eau en poudre
Si, si, ça existe. Cf ce court article du blog.
Voilà.
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